/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)
I
An 15 de l’ère post-mortem Lynea, dans un monde étranger au nôtre. La princesse Solvaig étant trop jeune pour régner, le Conseil des 13 veille sur le Royaume Lumineux et ses contrées. Un membre de ce gouvernement, Toraichi Mangestu, aussi appelé Tora ou « Le Tigre », se sachant condamné, invite une de ses amis fidèles_ et conseillère principale du royaume_ à son domicile afin de lui faire part des évènements de la veille.
«Ryfuko, l’heure est grave !... » s’exclama-t-il d’un ton théâtral qu’on ne lui connaissait pas.
L’intéressée le questionna du regard : Sacré Tora ! Elle avait beau le fréquenté depuis de nombreuses années, elle ne l’avait jamais connu ainsi. Habituellement, il était un des plus calmes conseillés de la Cour Royale, toujours serein, toujours franc…Elle le croyait incapable d’autres états d’âme, et encore moins de jouer la comédie.
Découvrant de la surprise chez son amie, Toraichi éclata de rire et sa réplique perdit toute sa crédibilité. Puis, il se calma et continua : «…Enfin, elle l’aurait été si nous ne l’avions déjà prévue. »
_ « Alors ça y est ? »
_ « Oui. Warui est apparu hier soir et a eu l’amabilité de me laisser quelques traces. » Répondit Toraichi, s’efforçant de masquer son amertume.
_ « Je comprends mieux pourquoi Lyssangelle ne se trouve ni ici, ni à l’académie. Mais qu’en est-il de Sora ? »
_ « Elle a été kidnappée. »rétorqua-t-il, l’ombre d’un sourire aux lèvres.
_ « Kidnappée ?! » s’écria Ryfuko, ne cherchant pas à cacher son indignation. « Warui a décidement de drôles de méthodes…Pourquoi avoir kidnappée Sora ? »
Pour seule réponse, Toraichi émit un petit rire assez ridicule. Ça ne lui ressemblait pas. Etait-ce vraiment lui ?
_« Attends un peu que je te conte cette soirée. Ça m’évitera un tas de questions. »
C’est alors qu’il perdit son air habituellement amusé pour revenir aux évènements de la veille…
*
Le soir précédant, Il avait fait son apparition devant lui et s’était pourvu de quelques subordonnés qui se précipitèrent, selon son ordre, à l’extérieur de la salle. Toraichi n’avait pu s’occuper de ces derniers, car, le digne Maître des Ténèbres, confiant, s’était ruée sur lui, l’arme au poing.
Malheureusement, le dojo où ils se trouvaient était assez grand pour Lui permettre de manier son nodachi à la perfection, et pour seule arme, Toraichi ne disposait que d’un simple katana. Rendu impuissant par son manque d’expérience et par l’insuffisance de portée de son arme, il se fit rapidement blesser. Et sa blessure ne semblait pas des moindres.
Il se cambra même de douleur alors que, face à lui, Warui, en puissant bretteur, se tenait bien droit et se savait victorieux. Ce dernier regardait sa victime souffrir atrocement sous ses iris rouges sang.
Tora, enfin calmé, put demander à Warui, non sans difficulté, comment il avait fait pour revenir. après avoir entendu un nouveau gémissement de douleur de son ennemi et s’être passé la main dans ses cheveux fous, il lui répondit qu’il était à présent capable de matérialiser des portails.
« Au fait, la lame avec laquelle je t’ai frappée a été imbibée de poisons. » prononça-t-il, ensuite, le plus calmement du monde. Comme s’il jugeait ce détail négligeable.
Nerveux, Tora scruta l’arme de son ennemi. Etait-ce du bluff ? Non. Ce n’en était pas car trois couleurs avivaient la lame ; le gris pâle pour l’acier, le rouge foncé pour son sang et une autre pour...
Tora serra les mâchoires et ferma les yeux. De la haine, voilà ce qu’il ressentait envers Warui.
« Pourquoi ? (sa respiration se fit sifflante de rage.) Pourquoi as-tu fait ça ?! »
Après un long silence, le Maître des Ténèbres répondit d’un ton incroyablement posé :
_ « Tu n’es qu’un gêneur, une entité encombrante qui n’a pas sa place dans mon plan. Tu m’agaces. Je ne peux te laisser vivre. »
Toraichi se relevait, s’aidant de son katana et suant à grosses goutes. Jamais il n’avait été si en colère. Warui lui avait tout pris, et à présent, il le poussait dans ses derniers retranchements. Il voulait en finur avec lui, mais un léger frisson lui indiqua que le poison faisait déjà effet… De toute façon, il se révélait trop impuissant pour affronter cet être mystérieux, et souverain des ombres, qu’il avait connu sans le connaître vraiment...
Que lui prenait-il ? Etait-ce ceci, le désespoir ?
« Tu…Tu étais mon modèle, mon grand frère. Mes parents t’adoraient et Aurore aussi. Mais tu l’as tuée ! J’ai du élever tes filles malgré mon jeune âge ! Tu as déchiré mon avenir, Warui ! Et ce, de ta propre lame… »
Le Maître des Ténèbres ne prêtait que peu d’attention aux larmoiements de son ‘petit frère’. Il avait horreur des sentiments. De plus, qu’est-ce que Tora savait de lui ? Rien. Warui soupira et sourit.
_ « Pardon ? Tu as dit quelque chose ? »
C’en fut trop : pris de rage, Toraichi dégagea la pointe de son katana du tatami dans lequel elle s’était plantée et fonça vers son ennemi…
Il se rappelait les moindres détails, mais celui-ci en particulier le mettait vraiment mal à l’aise : il avait foncé sans réfléchir. Un acte inconsidéré, qui ne ressemblait pas au combattant serein qu’il était.
Sans perdre son sourire, Warui l’avait repoussé ; pas comme lorsqu’ils se bagarraient, étant enfants… mais incroyablement plus violement. Puis le Maître des Ténèbres s’était calmement masqué le visage avant qu’on lui apporte le corps inerte de Sora.
Lyssangelle avait fait son irruption à ce moment-là et s’était immédiatement précipitée vers un Tora humilié. Avec beaucoup de style, Warui félicita ses soldats et ne tarda pas à disparaître avec eux…
*
« …Puis j’ai sommé Lyssangelle de partir à leur recherche, lui indiquant volontairement une fausse direction et lui rappelant de ne pas montrer ses pouvoirs. Elle est partie ce matin-même. »
Ryfuko, qui avait attentivement écouté Tora, savait combien il était difficile pour lui de lui faire part de cette rude soirée. Elle ne put réprimer un grognement de colère contre Warui, ce traître, qui était devenu souverain du monde invisible et avait assassiné la Reine et bon nombres de ses proches…Revenant au moment présent, elle demanda au sujet de Lyssangelle :
_ « Pourquoi lui avoir indiqué une fausse route ? »
_ « Elle est trop jeune, trop immature, trop faible pour aller vers Warui. Je voudrais qu’elle découvre un peu le monde avant de devoir affronter le siens. »
_ « Je vois. »
_ « Ryfuko ? Je voudrais que Solvaig et Arkan l’accompagnent. Elles aussi sont très jeunes, mais à trois, elles sauront faire la part des choses. »
Ryfuko sonda le regard si bleu de son ami : Solvaig était la princesse de ce royaume. Qu’avait-il manigancé pour l’exposer aux risques du non-retour ? Elle soupira longuement…
Si elle y réfléchissait bien, Toraichi avait raison…
_ « Très bien. Justement, elles s’inquiétaient. Je vais les prévenir de ce pas…Mais Toraichi…Cette histoire de poison… »
_ « Je suis effectivement empoisonné, et je ne veux pas de remède. »
Attristée mais surtout surprise, Ryfuko cherchait la raison pour laquelle son ami refusait de se faire soigner.
_ « Tout de même…Perdre un guerrier et un compagnon comme toi me fend le cœur. »
_ « J’aurais aimé participer aux prochains affrontements et voir Warui chuter lourdement au sol, mais il est temps pour moi de me retirer. »Il prit une de ses mains dans la sienne et la serra selon leur salut. « Ryfuko, si ton cœur se fend maintenant, il ne tiendra pas longtemps. Car je ne serais certainement pas le dernier à quitter ce pauvre monde. Pars maintenant, et pas un mot à âme qui vive.
Veille sur Lyssangelle, elle aura besoin de soutiens très prochainement. »
Sur ce, il abandonna tout masque moral et afficha un air serein.
Elle ne le verra plus jamais ni ne l’entendra parler de sa si douce et rassurante voix. Il n’était pas encore mort, mais ça ne serait tardé. Ryfuko, malgré son titre, exécuta devant lui la plus humble des révérences et le quitta, le laissant vivre ses derniers jours à son aise.
A présent, tout reposait sur les frêles épaules des jeunes talents partis afin de mener une longue et tortueuse quête dont ils ignorent tous les détails.
© Miryam-P
